L’Américaine Leitha Matz, directrice des opérations de la Fintech Zuper, est l'une des rares femmes - cadres de haut niveau, évoluant dans le milieu des fintechs en Allemagne. Un milieu parfois considéré comme misogyne, et où grimper dans la hiérarchie s’apparente pour de nombreuses femmes à un parcours du combattant. Dans ce milieu, être un homme est a priori un bon point pour être reconnu légitime. Et pourtant, Leitha bouscule les codes et ouvre la voie à une nouvelle génération de femmes qui souhaitent changer les paradigmes. Leitha Matz est aujourd’hui impliquée dans "Mind the Gap", un organisme à but non lucratif qui oeuvre l'égalité des droits. Une plate-forme d'éducation financière qui a comme objectif de combler les écarts de salaire entre hommes et femmes, tout en les aidant à accroître leur confiance financière en organisant des séries d'événements de réseautage, de séminaires et d'ateliers à destination des femmes.
En Allemagne, tout comme en France, les écarts sont de plus en plus présents, ce qui explique l’évolution du nombre de manifesto et de livres féministes durant ces dix dernières années. Si les femmes représentent 40 % des cadres dans le secteur privé, elles ne représentent toujours que 5 % des chefs d'entreprises. Le constat est donc sans appel : les femmes restent toujours pénalisées sur le marché du travail, et ce autant en France qu’en Allemagne. Autre constat alarmant, les écarts de salaires : les femmes gagnent en moyenne, dans les deux pays, un quart de moins que leurs collègues masculins alors que la moyenne européenne de différence des salaires entre les deux sexes est nettement inférieure, à 15%.
Devant ces constats, nous avons souhaité en savoir plus sur ces disparités, et nous avons donc contacté une femme qui a eu du succès comme entrepreneur dans un domaine qui reste très masculin, celui de la Fintech : Leitha Matz, directrice des opérations de la société de technologie financière Zuper basée à Munich.
Quel est le constat que vous dressez des inégalités dans le domaine de la Fintech ?
Leitha Matz : Si vous suivez l’actualité, vous constaterez que la plupart des gens pensent qu'il n'y a pas de problème d'égalité, surtout dans un pays comme l’Allemagne - qui s’affiche d’ailleurs comme figure de proue en terme de liberté. Mais dans les faits, si vous regardez bien, vous constaterez des écarts importants. Prenons un simple exemple : es femmes représentent environ la moitié de la population, mais dans le même temps, dans un domaine aussi important que la Fintech, elles sont complètement sous-représentées. De même, si l’on se fie aux statistiques, les femmes vivent beaucoup plus longtemps que les hommes mais, à la fin de leur vie active, elles perçoivent des pensions beaucoup moins élevées. En Allemagne, la différence en terme de salaire, et ce pour un travail égal, est de l’ordre de 21%. Il devient ainsi très clair que les relations de pouvoir sont biaisées, et il est temps de changer les choses.
Source : MindTheGap
Pouvez-vous nous donner des exemples concrets de la façon dont les hommes et les femmes sont traités différemment dans les fintechs ?
LM: Une étude du Harvard Business Review a démontré que les femmes entrepreneures doivent répondre à des questions bien plus complexes quand elles doivent faire face aux investisseurs et aux bailleurs de fonds. D’ailleurs, les femmes moins de chance d’obtenir des financements que les hommes. L'étude a également montré que seulement 15% des entreprises de capital-risque ont une femme qui siège dans le comité de direction, et seulement 3% de ces entreprises ont une PDG. Les problèmes ne se limitent pas à la fintech, les femmes sont autant sous-représentées dans la fintech que dans les startups en général.
Comment les femmes peuvent-elles faire la différence dans ce cas ?
LM: Je crois qu’il faudrait une législation qui encouragerait les entreprises à déclarer les salaires publiquement et de manière transparente. Cela peut ouvrir les yeux de beaucoup de gens. Au Royaume-Uni par exemple, la publication des écarts salariaux a déclenché un grand débat national sur l'égalité et l'équité. D’ailleurs, avec des initiatives comme "Mind the Gap", nous réalisons un travail de sensibilisation et d’éducation. Nous nous concentrons sur l’éducation pour déclencher des débats sociaux qui peuvent mener à la réflexion et à l’évaluation des préjugés.
Comment les entreprises fintech et leurs produits peuvent-ils bénéficier d’avoir davantage de femmes dans l’équipe ?
LM : Certaines personnes disent que les femmes et les hommes abordent les questions financières de la même manière. Je vois les choses différemment: presque toutes les femmes à qui j'ai parlé confient que l'investissement et la gestion financière ne sont pas, en quelque sorte, "faits pour elles". Je crois fermement que les diverses perspectives de l'équipe aident à créer de meilleurs produits. Dans mon entreprise de fintech, Zuper, nous formons une équipe internationale avec plus de 40% de femmes et plus de 60% de parents. Nous sommes plus forts grâce à nos diverses expériences et perspectives.
Merci pour cet interview Leitha Matz !
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